Comment réduire la masse salariale sans impacter le nombre de postes et en minimisant le risque de pertes de compétences ?

23 avril 2020

Au-delà de la gestion de la situation pendant le confinement, les entreprises réfléchissent déjà depuis plusieurs semaines à la manière dont elles vont gérer l’impact économique de cette pandémie.

Sur la base de discussions avec nos clients qui nous demandent de les aider à réfléchir et à préparer l’après, alors que des incertitudes importantes demeurent sur l’ampleur et la durée, deux sujets ressortent :

  • Comment, une fois la fin du dispositif actuel d’activité partielle (AP), réduire le coût de la masse salariale de façon significative, mais sans réduire le nombre de postes, et sans hypothéquer la capacité de l’entreprise à bénéficier d’une éventuelle reprise forte de l’activité ?
  • Si cela ne suffit pas, comment s’y prendre pour adapter les effectifs au niveau futur de l’activité dans le nouveau contexte économique et social qui risque d’être le nôtre pour de nombreux mois ?

-> COMMENT REDUIRE LA MASSE SALARIALE SANS IMPACTER LE NOMBRE DE POSTES ET EN MINIMISANT LE  RISQUE DE PERTES DE COMPETENCES ?

Les solutions évidentes sont déjà mises en place : gel des embauches, non reconduction des CDDs, suppression de tous les contrats d’interim et de sous-traitance non essentiels, gel (voire baisse) des salaires, suppression des bonus discrétionnaires…

Pour aller plus loin, il existe d’autres solutions dont la mise en œuvre est plus délicate. Ces solutions  demandent à être étudiées lorsque les entreprises ont pour objectif de garder leurs salariés, compte tenu du maintien d’un carnet de commandes relativement bon, de probables rebonds de la demande, mais aussi des coûts de plans de licenciement collectifs élevés dans des situations où les sorties de cash sont gérées au plus près.

Plusieurs pistes pour répondre à ces questionnements  :

  • Le maintien des salariés en activité partielle, selon des règles qui seront sans doute moins généreuses, plus sélectives et plus contraignantes que dans le système actuel : situations qui devront être conjoncturelles, davantage de contrôle par l’administration, limitation des licenciements collectifs qui interviendraient après une période d’activité partielle faisant appel à des indemnisations sur fonds publics.  
  • Des solutions plus souples mais qui ne peuvent être mises en place qu’avec l’accord des salariés concernés. Ces mesures, qui sont souvent incluses dans les accords de GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels, appelés précédemment « GPEC » : Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences ») concernent par exemple la prise de congés sans solde ou la suspension du contrat de travail avec garantie de retour dans l’entreprise si le salarié le souhaite, le passage temporaire à temps partiel ou un dispositif de départ à la retraite progressif. Ces dispositifs pourraient être réactivés par les Pouvoirs Publics via des incitations spécifiques.
  • Des dispositifs reposant sur la réduction du temps de travail et/ou de la rémunération. La question est COMMENT fait-on pour modifier ces éléments essentiels du contrat de travail ? Est-ce qu’on peut l’imposer aux salariés ? Avec quel véhicule juridique ? Quel type d’accord : un accord temporaire venant modifier l’accord sur le temps de travail en place  ou un accord de performance collective (APC) ?

 

La réponse qui vient immédiatement à l’esprit est l’APC, cet outil multi-usages qui permet (1) d’ adapter temporairement l’organisation du travail et d’aménager la durée du travail sur l’année, ce qui couvre des situations où la durée du travail peut être augmentée sans pour autant augmenter la rémunération, ou (2) d’abaisser temporairement la rémunération, en clair de diminuer le taux horaire ou les primes (ancienneté, performance ..), à condition de respecter les  minima définis par les accords de branche.

Cet outil est d’autant plus appréciable que (1) les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail pour les salariés qui n’auront pas manifesté leur refus de voir l’accord s’appliquer à leur contrat et (2) les salariés qui refusent sont licenciés pour  un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse, et ce, sans PSE (mais avec l’indemnité de licenciement), quel que soit le nombre de salariés qui refuseraient.

C’est une solution qui exige un accord majoritaire, ce qui peut être difficile à obtenir dans certains environnements, surtout lorsque les efforts à fournir sont importants. On peut cependant raisonnablement espérer que les salariés et leurs représentants y adhéreront dans de nombreux cas, compte tenu de la dégradation probablement durable du marché du travail. Cette solution devra en tous cas être assortie :

    • d’une communication forte et claire sur la situation de l’entreprise et ses perspectives,  
    • de la mise en avant de comportements exemplaires des représentants des actionnaires et de l’encadrement qui s‘engageraient sur des baisses de rémunération , d’autant plus élevées que leur rémunération est importante.

 

Montrer que le fardeau est partagé  sera essentiel pour donner un sentiment d’équité et faire adhérer les salariés.

Nous traiterons la situation des entreprises qui ne peuvent pas éviter des suppressions de postes dans la prochaine rubrique.