Edito de rentrée de l’Observatoire du Carve-out : les facteurs clés de succès d’un carve-out

20 novembre 2020

 

A l’occasion de la 2ème conférence de l’Observatoire du Carve-Out qui s’est tenue le 10 mars 2020, les participants, réunis en 4 tables rondes, ont mis en avant les facteurs clés de succès des opérations de carve-out présentés ci-après. Ils s’appliquent en particulier dans le cas d’une opération de cession d’une activité sous performante.

1. Anticiper

Céder des activités non stratégiques avant que leur situation ne soit trop dégradée.

L’identification de filiales, divisions ou branches d’activités non stratégiques a lieu lors des revues stratégiques annuelles. Dans cet exercice, il faut poser un diagnostic factuel et réaliste sur les activités en cours de revue et sur la capacité du groupe à améliorer leurs performances.

En général, le temps n’est pas un allié et dégrade la situation des activités non stratégiques. En effet, celles-ci reçoivent, à cause de leur manque d’alignement avec le cœur de métier : moins de moyens humains (moins de temps du comité exécutif, moins de managers performants, moins de soutien des fonctions centrales comme la R&D, etc.) et moins de moyens financiers (moins d’investissements, etc.). En cas d’externalisation d’une activité non stratégique, trop tarder est prendre le risque de ne plus pouvoir s’engager sur une charge d’activité et une période de « supply agreement » suffisantes pour permettre au repreneur de pouvoir redévelopper l’activité de manière viable et pérenne.

Il est également important d’anticiper pour se donner le temps d’engager un processus de recherche professionnel permettant d’identifier des repreneurs cohérents et solides.

2. Préparer un projet interne solide

Organiser la cession pour défendre les intérêts du cédant et gagner la confiance des salariés.

Avant tout, il faut délimiter une activité à céder afin qu’elle soit la plus autonomisable possible et qu’elle puisse devenir stable financièrement. A éviter : les activités sans cohérence industrielles entre elles, sans équipe de management propre, sans force de vente ou réseau de distribution autonome, sans soutien de son ancien actionnaire le temps de s’autonomiser (contrats de sous-traitance, contrats de fourniture de produits ou de services, TSAs, en dépendance économique, etc.).

Ensuite, typiquement, un projet est lancé avec le management de l’entité à céder, qui doit porter le projet. A éviter : les projets flous et mal pilotés, sans réflexion par le management sur ses atouts différentiateurs et sur un plan d’action « cœur de métier », sans identification des problèmes devant être traités, avec un Business Plan trop ambitieux ou non cohérent par rapport au current trading, sans prendre en compte le contexte social et politique, etc.

L’équipe de management doit impérativement porter le projet, donc avoir un plan de développement (leviers sur le chiffre d’affaires, les coûts, les investissements, etc.) et connaitre les hypothèses de construction du BP. Elle doit aussi être lucide sur ses capacités et sur les fonctions où elle a besoin d’être renforcée.

Afin de mieux maîtriser les coûts et le calendrier, il est possible de constituer une équipe projet dédiée à la réalisation de l’opération qui soit distincte des équipes gérant l’activité. Idéalement, cette équipe sera mise sur pieds par la direction de l’entreprise cédante à qui elle reportera. Plus tard, l’ensemble des managers de l’activité à céder pourront être impliqués : opérations, finance, RH/social, juridique, fiscal, communication, etc.

Enfin, il faut communiquer assez tôt avec les salariés et leurs représentants pour gagner leur confiance. Le piège à éviter est le manque de transparence : il faut bien préparer la raison de la cession et le diagnostic qui sera communiqué. Pourquoi le groupe cède sa division ? Pourquoi un repreneur ferait-il mieux en gérant cette activité en cœur de métier ? Il faut communiquer le diagnostic pour que les salariés comprennent et commencent à regarder l’avenir en se préparant de passer d’une division non stratégique d’un grand groupe à devenir l’activité cœur d’une PME.

Un projet de carve-out cristallise souvent les craintes des salariés et dégrade les échanges et la confiance entre la direction et les représentants des salariés. Pour maintenir une relation de confiance jusqu’au terme du projet de carve-out, il est idéal, quand c’est possible, de partager des informations avec les représentants des salariés, voire l’ensemble des collaborateurs pendant le processus de recherche d’acquéreurs. En phase préparatoire, il faut respecter la confidentialité et prévoir un plan de communication en cas de fuites, pour préparer le discours en interne et en externe.

Michel Erard, ancien DRH Europe du groupe Mondelez met en avant que « la clarté stratégique contribue largement à l’engagement des équipes et leur adhésion aux projets. Les acteurs d’une façon générale, et notamment les salariés ne sont pas rétifs aux changements pour autant qu’une vision soit partagée. Par contre, ils souffrent souvent pendant les périodes de transition, surtout si celles-ci n’ont pas été préparées par une ingénierie et une communication sociale anticipée, préparée, partagée et donc de qualité ».

3. Gagner la confiance des repreneurs potentiels

Cibler les meilleurs repreneurs et instaurer avec eux un climat de confiance pour les inciter à remettre une offre.

La première étape est la préparation d’informations détaillées et fiables. Le diagnostic doit être renforcé par des informations détaillées et complètes, dont des informations financières auditées (sinon privilégier une VDD à un data pack). Ces informations doivent identifier les relations intra-groupes et les principaux obstacles (risques clients, environnemental, techniques, social, etc.).

Ensuite, il faut cibler les repreneurs qui sont le plus susceptibles d’être intéressés et préparer des approches personnalisées auprès de ces repreneurs (expliquer par exemple pourquoi tel repreneur a été ciblé, etc.). Soit des industriels si l’activité a besoin de s’appuyer sur des opérations existantes (force commerciale, footprint industriel, technologies, etc.) ; soit des financiers si l’activité a besoin se « réautonomiser en mode PME » pour retrouver de l’agilité et baisser ses coûts, si l’équipe de management veut se lancer dans un projet entrepreneurial et autonome, ou si la recherche d’un acquéreur industriel n’a pas été fructueuse.

La compréhension du positionnement métier et de la chaîne de valeur de l’activité cédée, constitue un troisième préalable essentiel. La construction de la stratégie de redéveloppement de l’activité, si demain elle devenait cœur de métier, doit se fonder sur ses atouts et les éléments qui la différencient de la concurrence. La prise en considération des maillons faibles ou manquants de l’activité concernée est également un élément fondamental pour orienter la recherche vers le profil idéal de l’acquéreur, afin d’aller chercher les effets de leviers nécessaires pouvant favoriser son (re)développement pérenne. La capacité de l’acquéreur à apporter des volumes complémentaires ou à contribuer rapidement à une nouvelle dynamique commerciale est essentielle pour des activités en perte de vitesse ou dans le cadre d’externalisation d’activités fortement dépendantes du cédant.

Un quatrième élément sera la réputation, c’est-à-dire l’approche managériale et sociale du repreneur et son track record sur d’éventuelles opérations similaires.

Enfin, pour conserver la confiance des repreneurs potentiels, il faut également travailler sur les potentiels dealbreakers et montrer que les sujets inévitables ont déjà été pris en compte.

Lorsque l’activité cédée est trop déficitaire et, afin de favoriser l’émergence d’une solution de reprise, il pourra être nécessaire de réduire ses coûts et d’améliorer son efficacité opérationnelle.

Cette adaptation pourra être réalisée au moyen :

  • D’un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ou de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) favorisant des mobilités internes, s’il en existe un,
  • Un accord de performance collective (APC), une rupture conventionnelle collective (RCC), un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) visant à améliorer la compétitivité sur l’activité cédée, etc.

La difficulté des opérations de carve-out réside en partie dans leur complexité. Celle-ci peut être surmontée en ayant à cœur d’établir dès le départ un climat de confiance avec les candidats acquéreurs qui passera par l’exposition claire des raisons ayant conduit à la décision de céder l’activité concernée, des forces et des faiblesses de l’activité, des hypothèses prises en compte pour définir le périmètre de l’opération envisagée et sa traduction en business plan, etc.

Etablir une telle relation de confiance est d’autant plus important dans une opération de Carve-out, qu’elle nécessitera très souvent la mise en autonomie de l’activité cédée dans une structure juridique dédiée, la mise en place d’un TSA (Transitional Service Agreement) sur des fonctions support (IT, Finance, paie, etc.)  et/ou un contrat d’approvisionnement pluriannuel (en cas d’externalisation par exemple) et donc une relation contractuelle sur une période relativement durable entre le cédant et le cessionnaire.

 

Ces différents facteurs clés de succès ont été présentés de manière détaillée dans le compte-rendu de cette seconde conférence de l’Observatoire du Carve-Out qui a eu lieu le 10 mars dernier. N’hésitez pas à le télécharger en cliquant ici.

 

A propos des auteurs :

Benoît Parnet est Associé & Vice Président d’Oneida Associés (bparnet@oneida-associes.com)

Olivier Issaverdens est Directeur d’Oneida Associés (oissaverdens@oneida-associes.com)